Dans cet épisode d’Objective j’ai eu l’occasion d’échanger avec une entreprise qu’on aime particulièrement : Gyfti. Paul, co-fondateur de la plateforme, nous a accordé un moment pour nous parler de son aventure entrepreneuriale et de la place du digital dans sa stratégie. Nous avons pu parler méthodologie d’innovation, passion et clients heureux ! Un très bon moment avec Paul, qui est un peu le père Noël du BtoB ! Bonne lecture !

 

Bonjour Paul ! Peux-tu te présenter ?

Bien sûr ! Paul Fourçans, je suis co-fondateur de Gyfti.

 

J’ai une expérience dans le conseil, à l’origine : j’étais dans les équipes Stratégie analytique de Deloitte, où j’étais manager. Il y a à peu près un an, on a décidé de quitter Deloitte avec un autre collègue, Marwane Chorfi, et on a été rejoint dans l’aventure par Samir Bouhassoun, qui est notre troisième co-fondateur, pour monter notre boîte. À l’époque, on n’avait pas encore d’idée, on a donc quitté notre job en se disant « Ok, on veut entreprendre, on veut se lancer mais…quelle est l’idée? ». On a passé plusieurs mois à rechercher pour trouver LA bonne idée. Et, en juin dernier, on l’a trouvé et c’est Gyfti.

 

Gyfti est une plateforme SaaS qui permet aux entreprises d’envoyer facilement des cadeaux professionnels à ses clients, à ses prospects ou à ses collaborateurs, de personnaliser les cadeaux et d’en automatiser l’envoi. Là où on se différencie, c’est que nous passons beaucoup de temps à adapter notre solution au marché français, et particulièrement sur la dimension juridique, afin que notre outil soit 100% « compliant ». Cela permet de lever la barrière légale pour les entreprises : elles peuvent envoyer facilement leurs cadeaux en quelques minutes à des centaines de personnes et en étant sûr de toujours respecter la loi. On sait qu’en France, c’est quand même très important de rentrer dans les clous ! (rires)

 

Aujourd’hui, quelle est la place du digital dans votre stratégie de développement ?

On est une plateforme digitale, donc la place du digital est quand même centrale puisque 100% du produit l’est aussi. On est donc digital natifs, ça fait partie de notre ADN. On vise la digitalisation de 100% de nos processus : notre approche commerciale, notre approche RH, mais également notre produit en lui-même. Gifty c’est la digitalisation d’un processus qui l’était déjà en parti, mais qui comportait encore des interventions manuelles à réaliser par les entreprises, comme celle d’envoyer des cadeaux. En revanche, selon nous, le digital n’est pas une finalité en soi, c’est plutôt un moyen. Typiquement, chez Gyfti, notre but est justement de casser cette barrière digitale et d’envoyer des vrais cadeaux aux gens. C’est-à-dire que tu puisses recevoir un cadeau physique chez toi, emballé, pour créer du lien entre les professionnels. Par contre, on optimise et on digitalise la façon de l’envoyer. Ainsi, on est persuadé que le fait de recevoir un cadeau physique, c’est marquant et c’est de cette manière que l’on peut se différencier. Par ailleurs, toutes les tâches chronophages qu’il y a en amont (comme sélectionner ton cadeau, l’envoyer, gérer la logistique, le service après-vente, gérer si tu as le droit d’envoyer un cadeau à telle ou telle personne…) sont des tâches qui peuvent et qui doivent être digitalisées pour faire économiser du temps aux gens, et qu’ils puissent se concentrer sur les actions à plus forte valeur ajoutée.

 

Pour résumer, de notre point de vue, la digitalisation c’est : comment faire en sorte que l’on puisse se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée pour notre entreprise et comment on peut faire en sorte que nos clients aient du temps à consacrer à LEURS tâches à forte valeur ajoutée ? et cela, tout en leur permettant de facilement gérer toutes les tâches chronophages qui ne sont pas très intéressantes dans l’envoi des cadeaux.

 

Le digital, ce n’est pas une finalité en soi pour nous, c’est vraiment un moyen.

 

Peux-tu nous parler des modes d’acquisition de clients que vous avez ?

Un mode d’acquisition qui marche bien, par exemple, c’est le générateur d’idées de cadeaux que l’on a créé. Le but est que le client puisse aller sur notre site et trouver une idée. On a constaté que, souvent, choisir le cadeau idéal n’était pas facile car les gens n’ont pas forcément beaucoup d’idées. Ainsi, on a créé un petit outil à partir de notre catalogue qui permet à nos clients de rentrer quelques variables : par exemple, est-ce que le cadeau est pour une personne ou une équipe, quelle est l’occasion du cadeau, quel est son budget… et automatiquement on lui envoie une liste de cadeaux, qui peuvent être soit originaux, soit made in France, éco-responsables… C’est vraiment selon ce que eux veulent recevoir.

 

Ça, c’est un bon hack pour nous, pour acquérir des clients, un hack 100 % digital. Surtout, cela met en valeur notre catalogue, mais également nos fournisseurs. On passe beaucoup de temps à trouver des fournisseurs qui ont du sens. Les cadeaux qui sont sur Gyfti ne sont pas des cadeaux que vous pourrez retrouver ailleurs : on envoie vraiment des cadeaux de qualité, et c’est une solution assez simple au final. Cela prend un peu de temps à mettre en place, mais ça paye vraiment en génération de leads, puisque c’est entièrement automatisé. C’est un peu la devise qu’on a dans notre stratégie digitale : on accepte de perdre du temps au départ pour en gagner à l’arrivée. Donc on accepte de passer du temps à digitaliser un processus.

 

Comment est-ce que vous avez défini votre stratégie digitale au moment de quitter Deloitte et de lancer Gyfti ?

On propose un produit digital, tout est digitalisé, c’est vraiment comme cela qu’on a défini notre stratégie globale d’entreprise. Ce que je disais au départ, c’est que lorsque nous avons quitté Deloitte, et SaaS partner pour notre troisième associé, on n’avait pas d’idée. On savait qu’on voulait être entrepreneur, on avait 50 idées différentes. Cependant, 50 idées, c’est un peu trop dur à lancer à 3. (rires) Du coup, on s’est dit « Ok, on se donne six mois pour en trouver une, se lancer à temps plein sur cette idée et essayer de mettre toutes nos chances dessus ». Ainsi, on a appliqué une méthode qui est très académique qui s’appelle la méthode du « job to be done ».

 

La méthode du « job to be done », c’est une méthode qui a été théorisée par deux professeurs de la Harvard business school. J’ai noté leurs noms en prévision… Ils s’appellent Christensen et Raynor. En fait, cette méthode a été rendue très opérationnelle par quelqu’un qui s’appelle Anthony Ulrich. C’est le fondateur de Strategy&, un cabinet de stratégie assez connu. Il a écrit un livre pour savoir comment passer de la théorie de ses professeurs, qui sont brillants mais qui sont très théoriques et très académiques, à une méthode très concrète qu’on peut appliquer dans le monde du conseil.

 

Cette méthode est assez simple. Elle part d’un constat : plutôt que de réfléchir à un produit, à une solution pour ce que vous dit votre client, il faut essayer de sortir le produit, SON produit idéal, pour répondre à la finalité de ses besoins. Pour l’expliquer plus clairement : quand quelqu’un achète une perceuse, il n’achète pas une perceuse pour le plaisir d’acheter une perceuse, il achète une perceuse parce qu’il veut un trou dans son mur. De par ce fait, plutôt que de se focaliser sur le moyen de vendre des perceuses, il faut focaliser sur le moyen de faire un trou dans un mur : peut-être que la perceuse c’est la bonne solution ! Peut-être qu’il y a plein d’autres solutions auxquelles personne n’a jamais pensé et qui peuvent mieux répondre à ce besoin ! Bon, en l’occurrence, un trou dans le mur pour la perceuse, ça coïncide bien. (rires) Mais dans le B2B il y a plein de cas comme ça, de choses que veulent faire vos clients.

 

Dans notre cas, ils veulent créer du lien avec leurs collaborateurs, leurs prospects, leurs clients, et ils veulent révolutionner leur expérience B2B, mais il n’y a pas une seule bonne façon de faire. Et quand on réfléchit à vraiment pourquoi ils veulent révolutionner cette expérience B2B, pourquoi ils veulent créer du lien entre les individus, entre les personnes, entre les professionnels… Si on se pose ces questions on peut découvrir une solution qui, au final, est beaucoup plus performante. La méthode fonctionne comme ça, c’est-à-dire que sur un sujet précis, ici le cadeau d’affaires, on a demandé à des centaines de personnes, des directeurs, des commerciaux, des RH, des professionnels du marketing, de la communication, de la compliance, du droit… « Vous faites des cadeaux? », « Est-ce que vous aimez faire des cadeaux ? » et « Est-ce que vous voulez faire plus de cadeaux ? ». Il se trouve que 75% des gens qu’on a interrogés nous ont dit qu’ils voulaient faire plus de cadeaux, mais qu’ils ne pouvaient pas en faire plus parce qu’il y avait des barrières à l’entrée qui étaient assez fortes. Ainsi, on a interviewé d’un point de vue qualitatif et quantitatif ces centaines de personnes qui ont exprimé leurs painpoints (difficultés) principaux. Pour savoir lesquels étaient vraiment les plus importants nous les avons « rankés » et cela nous a permis de les classer… Et ce classement nous a révélé comment apporter de la valeur avec une nouvelle solution.

 

Ainsi, quand vous appliquez cette méthode sur une idée, quelle qu’elle soit, ça vous donne une liste d’irritants classés qui vous permettent de savoir là où vous pouvez innover. Et donc la situation idéale, c’est de trouver des painpoints qui sont extrêmement pénalisants pour votre cible. C’est-à-dire qu’ils cherchent une solution, mais n’en trouvent pas. C’est comme ça qu’on a décidé de lancer Gyfti. C’est que, sur toutes les idées qu’on avait, c’était l’idée où il y avait le plus de gens qui nous ont exposé leurs problèmes. Ces problèmes avaient un impact négatif sur leur vie professionnelle et ils n’avaient pas trouvé de solution pour y répondre convenablement.

 

C’est une méthode qui est très académique, mais je vous encourage tous à l’étudier de plus près si ça vous intéresse. Et pour innover, qu’on soit une petite entreprise ou une très grosse entreprise, c’est vraiment quelque chose d’assez incroyable : c’est data driven, concret, on a la liste de tous les painpoints classés en fonction de leur importance… Vous pouvez vous baser dessus pour créer votre roadmap produit, et digitale, pour les six mois ou les six ans à venir. Chez Gyfti, nous savons exactement ce que l’on va délivrer, toutes les features (fonctionnalités) qu’on va pouvoir sortir sur les deux prochaines années, parce que ce sont les features que nous ont déjà demandé nos clients avant même qu’on lance le produit et on sait déjà lesquelles sont les plus importantes pour eux.

 

Quelles sont les valeurs ajoutés que vous retirez de cet investissement, dont vous êtes assez fier au quotidien ?

La valeur ajoutée, comme je le disais, c’est le gain de temps qui est absolument monstrueux. Nous avons une roadmap claire puisque, plutôt que de partir d’un produit, nous sommes partis d’un problème pour ensuite apporter la bonne solution. L’investissement en temps a été conséquent au départ : c’était plusieurs mois d’interviews, ce n’est pas quelque chose qui se fait en quelques minutes. En effet, une interview qualitative ça peut prendre une heure, deux heures, ensuite à analyser ça prend trois fois plus de temps, et on en a fait 250. Mais maintenant on a une vision très claire de l’avenir : on sait où sont les problèmes, on sait comment y répondre, on sait où on peut investir notre argent… On sait sur quelles features on peut décider d’investir lourdement parce qu’on sait que ces features sont déjà demandées par les clients. Cela facilite toute notre vie, d’un point de vue stratégie, parce que maintenant quand on parle à quelqu’un, quand on parle à un client, on connaît déjà en amont la plupart de ses problèmes et on lui présente directement des solutions.

 

On est parti du problème de nos clients pour ensuite apporter la bonne solution.

 

Est-ce que tu as une victoire, ou un élément que tu aimerais partager avec notre audience sur ces quelques mois de test du produit ?

Pour l’instant, on est dans nos objectifs, donc on est très content. On a décidé de se lancer dans Gyfti en fin juin-début juillet, on a lancé notre plateforme fin novembre et on a déjà abordé plusieurs dizaines de clients. On a déjà réussi à convaincre des dizaines de fournisseurs et pour nous, c’est déjà une énorme victoire parce que, encore une fois, notre catalogue on y passe beaucoup de temps pour avoir des beaux cadeaux. Il y a plein de fournisseurs qui d’habitude ne traitent jamais en B2B mais qui ont accepté de le faire pour nous, parce qu’ils ont compris que nous cherchions à faire vivre une expérience unique et personnalisée aux clients, on ne cherche pas à juste envoyer 2000 fois le même stylo personnalisé à tout le monde par exemple. On n’est pas du tout dans cette philosophie, on envoie un cadeau qualitatif, il n’y aura pas le logo de l’entreprise, on veut faire plaisir aux gens, et c’est une victoire qui est énorme.

 

On a réussi à convaincre nos fournisseurs, nos premiers clients et notre équipe aussi en interne de rester avec nous, de croître, puisqu’on arrive à recruter. Il y a des gens qui arrivent et qui sont vraiment motivés par le projet parce qu’on aide les gens à faire plaisir aux gens et c’est toujours assez cool. C’est plus sympa de venir, de se motiver le matin, de pouvoir aller au travail en se disant « Aujourd’hui vous permettez à plusieurs dizaines de personnes de faire plaisir à plusieurs milliers de personnes », plutôt que d’arriver en disant « Comment je peux optimiser cette base de données ce matin ? ». Je l’ai fait pendant des années, ce qui est très bien aussi, mais il n’y a pas cet aspect émotion qui est aussi fort.

 

Notre grande victoire, c’est d’avoir réussi notre promesse et de permettre à nos clients de replacer l’émotion au cœur de leurs relations professionnelles. Notre plus grande victoire, c’est d’avoir réussi à le faire nous-mêmes. Dans le conseil, c’était assez froid, et c’est pour ça qu’on a décidé de lancer Gyfti. Il y avait une très bonne ambiance avec les clients et avec les équipes, mais au final la relation entre les consultants et le client, était très cadrée, très professionnelle. On s’était toujours demandé « Pourquoi il n’y a pas un peu plus d’émotion, de lien qui est créé entre les consultants et les équipes client? ». Parce qu’au final, pour avoir une relation pérenne, pour fidéliser ton client, pour vendre d’autres missions, il faut qu’il y ait cette relation qui existe. Tu ne peux pas aller au restaurant tous les jours avec tous les clients, et c’est pour ça qu’on a décidé de lancer Gyfti, et on est vraiment heureux d’avoir réussi à appliquer notre propre méthode.

 

Ouais, c’est une belle victoire de démarrer, d’avoir ses premiers clients, ses premiers collaborateurs qui nous suivent, qui croient au projet et, comme tu le disais, si on revient au sujet de base, le cadeau ça fait plaisir à tout le monde. Donc tu bosses sur de la distribution de bonheur, c’est toujours assez incroyable. Et en tout cas merci beaucoup pour ce temps et cette discussion !

 

Merci pour l’invitation, à bientôt.